DADVSI : bilan avant le vote solennel du mardi 21 mars
Communiqué de presse
Les avancées validées par le débat sur le projet de loi "droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information", qui s'est achevé tôt vendredi matin, ont sanctionné deux mois de travail intensif menés en collaboration avec le ministre de la Culture et de la Communication pour apporter à ce texte hérité de son prédécesseur les nécessaires ajustements.
Quatre axes principaux ont orienté nos travaux.
Premièrement la liberté.
Avec tout d'abord l'introduction pour les auteurs du libre choix des modes de diffusion et de rémunération de leurs œuvres. L'amendement n°302 présenté par notre collègue Muriel MARLAND-MILITELLO leur permet de se réapproprier le droit moral sur leurs œuvres indépendamment des éditeurs et des sociétés de gestion collective. Au-delà de cette question, il s'agit de permettre tous les types de diffusion et ainsi de dépasser le clivage introduit par le débat sur la licence globale.
Pour le consommateur ensuite, nous avons apporté la garantie de la liberté du droit de lire, absente du texte initial, alors même que l'utilisation de mesures techniques de protection (MTP) la remettait en question (impossibilité de lire certains titres téléchargés avec un baladeur mp3). L'amendement n°233 (article 7) de nos collègues Marc LE FUR et Robert LECOU précise que les MTP ne peuvent s'opposer à ce droit fondamental.
Enfin pour le logiciel libre, à l'origine oublié, ce texte donne désormais l'assurance qu'il pourra continuer de se développer librement et sans entrave, en particulier grâce à l'amendement n°144 (Article 7) qui exclut toute brevetabilité des MTP, et aux dispositions sur l'interopérabilité.
Deuxièmement l'interopérabilité, c’est-à-dire la liberté pour chacun d’utiliser le logiciel de son choix pour la lecture d’une œuvre protégée.
Nous avons introduit cette notion absente du texte original à travers les amendements n°143 et 253 (article 7) dès le mois de décembre. Au terme de ces deux mois de travail, la refonte de l'article 7 ("deuxième délibération") qui introduit notamment l'exception de décompilation à laquelle, fait nouveau, chacun peut désormais procéder sans restriction d'aucune sorte. Nous avons ainsi entériné le principe d'une interopérabilité sans entrave, de la libre concurrence et de la diversité des outils de lecture proposés aux consommateurs. De plus les éditeurs de mesures techniques de protection sont désormais tenus légalement de donner les spécifications de leurs formats.
La France est le premier pays européen à garantir l'interopérabilité par la loi.
Troisièmement la sécurité informatique.
Les amendements n°315 à 319 (articles 13 et 14) permettent dorénavant d'identifier les failles de sécurité informatique que pourraient contenir les MTP sans risque de se voir poursuivi. De plus, l'amendement n°273 (article additionnel après l'article 7) oblige les éditeurs à déposer le code source des MTP auprès du service compétent de l'Etat en matière de sécurité informatique.
Les données personnelles traitées devront, par ailleurs, être suivies par la Commission Nationale Informatique et Liberté, ce qui est la garantie de la non intrusion des MTP dans la vie privée. Enfin, l'installation de MTP dans les administrations de l'Etat et des collectivités territoriales est soumise à autorisation en raison des risques qu'elles peuvent faire courir en terme d'informations protégées.
Par ces amendements, nous avons apporté des réponses concrètes à la question initialement négligée de la sécurité informatique.
Quatrièmement la recherche.
Il nous a paru fondamental de permettre aux chercheurs de continuer à procéder librement à leurs travaux, y compris sur la cryptologie en général et les MTP en particulier. Les amendements n°414 à 417 (articles 13 et 14), qui précisent l'intention initiale du gouvernement, permettent à la communauté scientifique de partager ses travaux en toute sécurité juridique.
Sur la base de ce travail, le point d'équilibre atteint par le texte sur ces questions nous semble correspondre à l'intérêt des auteurs, des consommateurs et des communautés scientifique et du logiciel libre.
Par ailleurs, nous avons demandé au ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie de bien vouloir nous indiquer l’état d’avancement d’utilisation des logiciels libres dans l’administration et au Président de l’Assemblée Nationale de bien vouloir créer un groupe de travail de députés, afin d’envisager le passage aux logiciels libres des postes de travail des députés sur la base du volontariat.
Richard CAZENAVE, Député (UMP) de l’Isère
Bernard CARAYON, Député (UMP) du Tarn
Commentaires
clap clap clap...
Rien à dire, enfin un peu de bon sens !
Bonjour,
Avant votre venue sur les forums de framasoft (excellente initiative !), la lecture de votre billet m'inspire une question un peu longue que je préfère vous soumettre à l'avance pour vous donner le temps d'y réfléchir.
Vous dites dans votre billet ci-dessus:
«Pour le consommateur ensuite, nous avons apporté la garantie de la liberté du droit de lire, absente du texte initial, alors même que l'utilisation de mesures techniques de protection (MTP) la remettait en question (impossibilité de lire certains titres téléchargés avec un baladeur mp3). L'amendement n°233 (article 7) de nos collègues Marc LE FUR et Robert LECOU précise que les MTP ne peuvent s'opposer à ce droit fondamental.»
Cette remarque mamène à une question qui nécessite d'abord deux questions préalables :
1) Aux yeux de la nouvelle loi, des appareils (baladeurs) ne gérant pas les DRM sont-ils illégaux ?
2) Aux yeux de la nouvelle loi, des logiciels ne gérant pas les MTP sont-ils illégaux ?
Si la réponse à la question 1) est : « non, ces baladeurs sont légaux » (et jespère bien - je ne vois pas comment le législateur pourrait mobliger à jeter à la poubelle mon matériel hifi - mais on va voir plus bas que rien n'est moins sûr), ma question est donc :
- «Est-ce que votre remarque veut dire que lutilisateur final est autorisé à contourner les MTP de CD ou de fichiers musicaux autant de fois quil le souhaite si celles-si lempêche de lire un morceau sur son baladeur mp3 qui ne gère pas les DRM ?»
Dans ce cas, le droit fondamental dont vous parlez, celui du droit de lire, ne revient-il donc pas de fait à un droit à la copie privée illimitée dès que lun au moins lun de nos appareils (baladeur, ) ne gère pas les DRM ?
Mais comment alors ce droit de lire sarticule-t-il avec lamendement 261 qui, lui, punit de 750 le fait pour lutilisateur de contourner un système de protection ? Dans ce même amendement 261, comment doit-on interpréter, du point de vue de lutilisateur, le III : «Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes réalisés à des fins d'interopérabilité ou pour l'usage régulier des droits acquis sur l'uvre.». Est-ce que ce III est équivalent à lamendement 233 que vous citez et est-ce quil donne le droit en fait à lutilisateur de contourner les MPT dès que son baladeur ne gère pas les DRM ?
La réponse à la question 2) (on remplace baladeur par logiciel) est plus difficile à cause de lamendement 150 VU : «Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende, le fait de mettre à la disposition du public sciemment et sous quelque forme que ce soit, un dispositif manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'uvres ou d'objets protégés».
Jespère dailleurs que cet amendement 150 VU ne sapplique pas aux baladeurs (mais ce quest-ce exactement quun « dispositif » ?). Arrêtons-nous dailleurs un instant sur cette hypothèse. Car un baladeur fonctionne aussi avec un système dexploitation, un logiciel, que lon appelle firmware. Ce firmware peut-être modifié. Et plusieurs projets sattachent à développer des firmwares libres pour notamment augmenter les possibilités des baladeurs (lectures de formats non supportés dans les versions originales, tels que le ogg et le flac). Est-ce que ces projets tomberont sous le coup de lamendement 150 VU s'ils ne prennent pas en compte les DRM ???!!!! Ce serait un coup de tonnerre et une régression incroyable. Cet amendement est décidemment une boîte de pandore. Bon, imaginons que je nai pas changé le firmware de mon baladeur mais que celui-ci, quand je lai acheté ne supporte pas les DRM. Est-ce que mon baladeur est illégal à cause de lamendement 150 VU ? Est-ce que par exemple le distributeur des baladeurs iRiver risque 3 ans de prison en les vendant en France ? Est-ce que les développeurs du projet Rockbox risquent 3 ans de prison ?
Sous prétexte que lon peut désinstaller plus facilement un logiciel sur un ordinateur que sur un baladeur ou une platine DVD, on a pensé avec le 150VU pénaliser les logiciels ne gérant pas les DRM. Mais quid des baladeurs et des platines DVD ? Là aussi il y a des logiciels (les firmware) ? Sont-ils visés par la loi ? Est-ce que ce seront les nouveaux baladeurs produits qui ne pourront pas être mis en vente sur le marché français sils ne gèrent pas TOUS les DRM du monde existant et à venir ? Ou est-ce quil faut seulement quils en gèrent un pour être autorisé (mais alors linteropérabilité autorisera de fait la copie privée via l'article 7 ou le III du 261 non ?) ? Même question pour les logiciels ? Est-ce quil faut gérer tous les DRM du monde existant et à venir ? Est-ce que les mises à jour des logiciels seront obligatoires et le défaut de mise à jour puni de 750 damende à chaque nouveau DRM ?
Si les baladeurs sont visés par lamendement VU, cest un scandale, et sils ne le sont pas pas cest une incohérence. Le développement de firmware alternatif pour les baladeurs et les platines Divx ne sont pas dans le principe différents des logiciels tels que VLC explicitement visés par lamendement VU.
En résumé, si jai un baladeur qui ne lit que les mp3 et les ogg, et un ordinateur sous Linux que jutilise avec une version de VLC qui ne supporte pas les DRM (la version daujourdhui) est-ce que :
- Je peux contourner librement les MTP pour copier les fichiers musicaux sur mon baladeur et mon ordinateur sans risquer 750 damende ? (grâce au III de lamendement 261).
- Mon baladeur est illégal et je risque 750 damende en lutilisant à cause de lamendement 261 et son distributeur français risque 3 ans de prison à cause de lamendement 150 VU ?
- Comment sarticule larticle 7 dans ce contexte ?
Merci de vos réponses...
(est-ce que c'est moi ou bien est-ce que cette loi est fortement ambigüe et singulièrement confuse ? ;-)
Corsario,
Merci pour ces questions dont j'ai pris bonne note ! Je serai heureux d'y répondre tout à l'heure sur le forum.
Cordialement,
Richard Cazenave