Vote solennel du projet de loi "droit d'auteur" : Pourquoi nous voterons ce texte.
Communiqué de presse
Le vote solennel du projet de loi "droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information" (DADVSI) aura lieu à l'Assemblée Nationale aujourd'hui mardi 21 mars. Les débats houleux dont ce texte a fait l'objet, au mois de décembre et les deux semaines précédentes, nous amènent à revenir sur quelques points qui nous paraissent essentiels.
Ce projet de loi, qui dans sa version initiale présentait des manques flagrants – absence de prise en compte des acteurs du logiciel libre, mauvaise appréhension des pratiques des consommateurs de culture en ligne – a connu une évolution conséquente entre le 20 décembre et le 17 mars. Nous avons ainsi obtenu, en travaillant avec le Ministre de la Culture, des avancées décisives en matière d'interopérabilité, inscrites notamment dans la nouvelle rédaction de l'article 7.
- Pour les internautes, cela se traduit par une garantie du droit fondamental qu'est le droit de lire, grâce notamment au libre choix permis par ces dispositions des appareils et des logiciels de lecture des oeuvres protégées. De plus, il est désormais inscrit dans la loi le principe selon lequel les mesures techniques de protection (MTP) ne peuvent faire obstacle à un usage légitime d'une oeuvre.
- Pour le logiciel libre, l'article 7 établit la non brevetabilité des MTP ; et au-delà de ce principe fondamental, nous avons inclus dans cet article 7 les mesures qui permettent d'obtenir des "standards ouverts" de MTP (les standards ouverts sont définis à l'article 4 de la LCEN), reconnaissables par tout logiciel. Nous avons également réaffirmé la liberté de publication du code source, ainsi que l'exception de décompilation qui n'est ici soumise à aucune condition.
Ces dispositions qui, nous l'espérons, seront reprises par d'autres pays et notamment au niveau européen, devraient permettre d'éviter que se constitue une offre monopolistique en matière de culture en ligne.
Certes, des interrogations subsistent dans le texte qui est soumis à notre vote :
- Ainsi, à l’article 12bis, l’amendement Mariani-Vanneste s’attaque inutilement à la technologie du peer-to-peer. Il aurait pu être dangereux. Il sera inapplicable grâce au sous-amendement que nous avons fait voter qui protège la recherche et le logiciel libre.
- Ainsi, pour la copie privée, le réalisme ayant commandé de renvoyer la mise en œuvre de la garantie de cette exception au collège des médiateurs.
- Ainsi, pour l’exception pédagogique, qui se limitera pour l’heure au cadre de l’accord intervenu avec le ministère de l’Education nationale.
Mais ne nions pas le travail accompli.
Nous disposons avec ce texte de la législation la plus avancée en Europe et dans le monde en matière d'interopérabilité ; les réactions à l'étranger ne se sont d'ailleurs pas fait attendre. C'est également la législation la plus favorable au logiciel libre qui ait jamais existé.
Si nous voulons consolider ces avancées, et avoir l'opportunité de jouer un rôle de leader en Europe et dans le monde sur ces problématiques essentielles, il est donc de notre devoir de députés d'approuver ce texte.
Nous faisons confiance à nos collègues Sénateurs pour suivre la voie qui vient d'être ouverte et confirmer la position novatrice de la France en faveur de la liberté du consommateur, de la libre concurrence et de la précieuse alternative que représente le logiciel libre.
Richard Cazenave, Député UMP de l'Isère
Bernard Carayon, Député UMP du Tarn
Commentaires
Why not eliminate all software protection? People can then steal with the approval of the state.
Il ne s'agit pas ici d'éliminer toute protection sur les logiciels.
Bien au contraire, ces dispositions visent à inciter les éditeurs de MTP (ou DRM) à les publier dans un standard ouvert, et par conséquent implémentable sur toutes plate-formes. Il est inacceptable que les plate-formes libres et leurs utilisateurs soient pénalisés parce qu'un DRM ne peut pas y être lu ; il est encore plus inacceptable que l'accès à la culture soit conditionné par une configuration matérielle et logicielle, et par une logique de vente liée et de captation de clientèle. Ne sommes-nous pas dans un monde de libre marché ?
Pour donner un exemple très connu, la musique de l'iTunes Music Store ne peut aujourd'hui être lue que sur du matériel Apple. Et bien nous souhaitons que demain, chaque client de l'iTMS puisse lire sa musique sur le matériel de son choix. La société Apple elle-même a reconnu que l'ouverture des formats de MTP des plate-formes concurrentes serait positive pour les ventes d'iPod.
La protection sur les logiciels n'est en rien affaiblie : seules les informations essentielles à l'interopérabilité sont exigibles, en aucun cas le code source ! Il n'est pas question de permettre à un autre éditeur de logiciels - ou "toute personne désireuse de mettre en oeuvre l'interopérabilité" - de recréer par ce moyen l'interface d'utilisation d'un lecteur.
Prenons un exemple bien connu de logiciel libre : VLC. Ce lecteur permet de lire les formats MPEG (dont les spécifications sont connues), et les étudiants qui l'ont créé et qui le mettent à jour sont parvenus à décompiler, comme le leur permet la loi, les formats propriétaires de Windows pour pouvoir les lire, les déchiffrer. Mais VLC ne ressemble en aucun point à Windows Media Player, qui est délivrable sous licence propriétaire Windows.
Le but de ce projet de loi n'a jamais été de créer une nouvelle propriété intellectuelle, voire une brevetabilité des MTP. La France a toujours été et restera toujours farouchement opposée à ce principe. La licence sur les MTP sera déjà imputée aux consommateurs par l'intermédiaire des éditeurs de musique et de vidéo en ligne, nous n'allons pas permettre qu'on la leur fasse payer une deuxième fois pour avoir le droit de lire ! En protégeant davantage les MTP, ce ne sont ni les auteurs ni les consommateurs qui seront gagnants.
Comme il est dit dans l'amendement 233, "les mesures techniques de protection ne peuvent faire obstacle au libre usage d'une oeuvre" ; c'est un principe de base sans lequel nous ne parviendrons pas à permettre le développement d'une offre légale, diversifiée et attractive de musique et de vidéo en ligne qui supplantera les pratiques de téléchargement en violation du droit d'auteur.
Richard Cazenave
Monsieur le député,
Je viens de lire l'article « Vote solennel du projet de loi "droit d'auteur" : Pourquoi nous voterons ce texte. » (sur votre site à l'adresse = www.richardcazenave.com/?... et la réponse que vous donnez au sujet de la protection sur les logiciels.
Vous mentionnez « des avancées décisives en matière d'interopérabilité, inscrites notamment dans la nouvelle rédaction de l'article 7 ». Or, si je consulte le texte tel que publié sur le site de l'Assemblée Nationale, je lis : « Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en uvre effective de l'interopérabilité, dans le respect du droit d'auteur. Les fournisseurs de mesures techniques donnent l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité » et considère ceci comme un leurre, un miroir aux alouettes (pour ne pas dire aux sauterelles).
-- En fait d'interopérabilité, la loi n'exige que la fourniture des données techniques qui permettront l'interopérabilité. Le développement de la solution (logiciel ou autre) est laissé en suspens ; son financement n'est même pas mentionné.
-- Le rapport européen qui précisait ... « Il faudra entre 2 et 5 ans pour voir des progrès sur les solutions interopérables » ... (à partir du moment où l'autorité daignera s'en préoccuper réellement) est complètement ignoré.
-- Aucune sanction financière facilement et immédiatement applicable n'est prévue à l'encontre de ceux qui ne respecteraient pas l'interopérabilité.
Un paragraphe de la loi devrait théoriquement permettre aux usagers de se défendre à grand frais et perte de temps, donc de jouissance : « Tout intéressé peut demander au président du tribunal de grande instance statuant en référé d'enjoindre sous astreinte à un fournisseur de mesures techniques de fournir les informations essentielles à l'interopérabilité. Seuls les frais de logistique sont exigibles en contrepartie par le fournisseur. »
Quand on lit la réaction de Apple et quand on sait que Microsoft se fait encore tirer l'oreille, encore actuellement, pour fournir des informations qui permettraient l'interopérabilité avec Windows, en conformité avec les obligations d'une décision européenne vielle de deux ans, on peut apprécier la portée efficace de cette disposition.
Ce n'est pas demain que les usagers auront droit à des informations complètes et précises et encore moins à une solution pratique d'interopérabilité grâce à la loi.
L'interopérabilité était une des compensations majeures, une justification des DRMs (MTPs) et de l'interdiction pratique de copie (surtout pour les DVDs). Que devront faire ceux qui ont eu le tord d'acheter des produits bridés en attendant une hypothétique et lointaine solution pratique d'interopérabilité ?
Je trouve que la piège à « sauterelles » est particulièrement habile. Pendant des mois, des années peut-être, ceux qui voudront jouir pleinement de leurs achats seront bien obligés d'utiliser des moyens rendus illicites par la loi pour neutraliser ces verrous.
A ce moment là, ils tomberont sous la coupe des dispositions prévues aux articles 13 et 14 de la loi qui prévoient 3 750 d'amende quand ce n'est pas six mois d'emprisonnement et de 30 000 d'amende pour le contournement.
A moins que, certains industriels, en particulier Vivendi-Universal à qui nous devons une grande partie de la loi, aient déjà prévu le coup et préparé à l'avance un DRM « ouvert » et un moyen de rendre leurs produits « interopérables ».
Cette astuce qui favoriserait commercialement celui qui l'adopterait rapidement, e-compil par exemple, est peut-être prévue de longue date. Elle justifierait encore plus le retrait de la concurrence, Apple bien sûr en premier, et aurait pour conséquence ...
-- Un appauvrissement de l'offre globale,
-- Une nouvelle forme de quasi monopole de la « culture » du divertissement et des tarifs pratiqués.
Vers laquelle des deux solutions inintéressantes va être dirigé le troupeau des consommateurs bridage sans interopérabilité (et donc répression forcenée du contournement - achat obligé des produits que les industriels et mercantis préparés et « réglementaires » imposeront au prix de leur convenance ???
D'autres questions portent sur la directive européenne 2001/29/CE, dont s'est inspirée la Cour de Cassation française pour émettre un arrêt alors que la loi correspondante n'était pas encore votée en France.
Cette directive, fortement durcie, est à l'origine du piège DADVSI. Elle devrait être revue sous peu au niveau européen dans un sens moins défavorable aux consommateurs. Est-ce pour cela que la France belle et généreuse pour les grosses sociétés et les artistes nantis veut l'imposer à marche forcée ?
J'aurais aussi bien des questions sur les dispositions pratiques qui vont être prises pour ...
-- traquer les internautes qui s'adonnent à l'échange de quelques « mp3 » ou films étrangers difficilement trouvables en France, et de films en langues étrangères qu'il est très utile de voir et surtout écouter pour apprendre autrement que par les méthodes surannées d'une éducation nationales totalement inefficace ?
-- sur la manière dont les « enquêteurs » vont être informés des usagers qui, à domicile et à des fins non lucratives, « altèrent la protection (...) d'une uvre (article 13) d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme (article 14) par un décodage, un décryptage ou toute autre intervention personnelle destinée à contourner, neutraliser ou supprimer un mécanisme de protection ou de contrôle, lorsque cette atteinte est réalisée par d'autres moyens que l'utilisation d'une application technologique, d'un dispositif ou d'un composant... » ???
Bien sincèrement.
Vous posez beaucoup de questions... Je ne peux pas ici répondre à toutes, mais je vous invite à vous rendre sur le forum de Framasoft demain soir de 18:30 à 20:00, où nous aurons l'occasion d'aborder à nouveau ces sujets.
Je tiens avant tout à vous dire, même si je dois me répéter, que la France est leader en Europe sur l'interopérabilité. Jamais encore de telles dispositions n'avaient été prises.
Toutefois cela n'a pas l'air de vous convenir... Et je suis au regret de vous dire que malheureusement (ou heureusement pour la liberté d'entreprendre), le législateur français n'a pas le pouvoir de s'immiscer aussi loin dans la régulation du marché et d'imposer aux éditeurs de MTP ou DRM de les prévoir interopérables avec toutes les plateformes passées, présentes et futures. Vous voyez bien que ce n'est pas réaliste !
Pour ma part je trouve que la réaction d'Apple est au contraire le signe qu'avec l'article 7 on a touché un point sensible, le coeur même de leur dispositif de captation de clientèle iTMS+iPod. Je suis donc franchement plus optimiste que vous, et considère, en tout état de cause, que ce n'est ni en ne faisant rien, ni en interdisant par trop de contraintes techniques et juridiques les plateformes légales de téléchargement, que nous aurons une réponse satisfaisante à la fois pour les consommateurs et pour les artistes qui souhaitent que leurs oeuvres soient diffusées légalement et récolter les fruits de leur création.
J'espère avoir l'occasion d'en rediscuter avec vous sur le forum demain soir.
Cordialement,
Richard Cazenave
Monsieur le Député,
J'ai par deux fois tenté de vous sensibiliser à la question de l'exception enseignement. Une première fois en Décembre. A l'époque les amendements portant sur cette question ont été rejetés sans qu'aucun député n'ait eu connaissance du contenu des accords sectoriels Education / ayants droit réputés s'y substituer. En Mars seule Mme Billard a eu connaissance des accords, et encore par ses propres moyens. Des parlementaires ont réclamé au ministre de la culture que soit communiqué à l'ensemble de la représentation nationale le contenu de ces textes. Il répondit qu'ils étaient dans les casiers. M. Bayrou réclama une suspension de séance pour pouvoir les lire. Il était 23h30 passé, le climat était bien pesant. A la reprise, les textes n'étaient pas dans vos casiers, et ce fait est rapidement passé à l'as car pendant l'interruption de séance l'Assemblée fut informée du retour de l'article 1. Du coup l'amendement exception pédagogique n'a pas été discuté comme il aurait du et sans sourciller, sans avoir étudier le contenu des textes, sans avoir discuté de ses conséquences, il fut encore rejeté.
Et voici ce que tout cela m'a inspiré. Je suis professeur de musique en collège et, aujourd'hui, je vois un élève de troisième écrire le cours sur une feuille. Je lui demande où est son cahier. Il me répond qu'il l'a dans son sac. Je lui demande de le sortir. Il finit par dire qu'il ne l'a pas. J'ai donc expliqué à cet élève dans un but d'éducation civique auquel chaque enseignant est tenu qu'il avait parfaitement raison puisqu'un ministre de la culture faisait avec les parlementaires exactement ce qu'il faisait avec moi. Je précise que j'avais fait deux semaines auparavant un point sur la loi que vous avez votée, anticipant une sensibilisation que prévoit ces accords, mais sans recourir à l'intervention d'un quelconque représentant des ayants droit, cela dans un souçis d'équité bien absent de ces textes.
Par ailleurs je lis sous votre plume : "Certes, des interrogations subsistent dans le texte qui est soumis à notre vote : [...] Ainsi, pour lexception pédagogique, qui se limitera pour lheure au cadre de laccord intervenu avec le ministère de lEducation nationale"
Qu'entendez-vous par là ? "l'heure" va durer deux ans, et rien ne dit, ni quand, ni comment évolueront les accords. En conséquence, pour les enseignants vous avez préféré la complexité d'une série de limitations, l'instabilité d'un accord sur deux ans, la frilosité au regard des nouvelles technologies en interdisant de recourir aux bases de données d'oeuvres protégées, l'intrusion dans les réseaux informatiques des établissements ; vous avez cru que l'exception ne satisferait pas au test en trois étapes alors qu'aucun débat n'eut lieu pour l'affirmer ; vous avez admis sans débattre les propos du ministre lorsqu'il répétait que "la gratuité laisserait croire que la création n'a pas de valeur".
Le second courrier datait du 21 mars. Je vous faisais part des critiqes que je formulais à l'endroit de ces accords et vous invitais par conséquent à ne pas voter le texte. C'était evidemment bien présomptueux de ma part.
Je suis donc pro-fon-dé-ment scandalisé par la manière dont cette question de l'exception pour l'enseignement et la recherche a été abordée et discutée.
Il est temps d'ouvrir les yeux, après un débat qui en a fatigué plus d'un, exaspéré même, que ce soit dans l'hémicycle ou sur le site de l'Assemblée. Si des interrogatons subsistent, alors prenez note de mes remarques, prenez acte de la pétition "exception pédagogique" qui réunit, maintenant que ces accords sont connus, plus de 3500 signatures, et faites des propositions.
Respectueusement
Yves Hulot