1. Ces désaccords portent d’abord sur le contenu de l’interopérabilité :

  • l’Assemblée nationale a choisi, à l’unanimité, de faire de l’interopérabilité un droit – c’est-à-dire de garantir par la loi à chaque citoyen qu’il pourra utiliser dans les conditions logicielles et matérielles de son choix toute oeuvre acquise légalement ;
  • le Sénat fait de l’interopérabilité une simple possibilité négociable contractuellement et crée à cette fin une "Autorité de régulation des mesures techniques" (article 7 bis A, article 9), véritable administration nouvelle. Alors que d’autres pays européens à l’instar du Danemark, du Royaume-Uni, de la Suède et de la Norvège, suivent la voie que nous avons tracée, il n’est pas envisageable qu’un texte voté à l’unanimité des élus du peuple – c’est rare - soit aussi profondément altéré par le Sénat, et ce alors même que le droit d’auteur a été puissamment conforté par le rejet de la licence globale.

2. Ils portent ensuite sur les sanctions frappant le téléchargement non autorisé d’oeuvres protégées.

  • Nous avions voté à l’Assemblée un alinéa à l’article 12 bis excluant les logiciels destinés au travail collaboratif des poursuites visant la technologie du pair-à-pair plutôt que son utilisation illégale (article 12 bis, article 14 quater). Le Sénat a non seulement choisi de supprimer cet alinéa mais ajoute un article 14 ter A qui rend susceptible de poursuite un internaute dont le point d’accès wi-fi serait piraté !
  • Le Sénat, en outre, initie le filtrage d’internet en créant un registre des oeuvres (article 14 quater) dont personne ne sait, au passage, qui le financera ni comment les références des oeuvres des artistes étrangers seront intégrées.

Les choix du Sénat portent ainsi gravement atteinte aux équilibres que l’Assemblée avait su trouver. Equilibre entre le respect légitime des droits des auteurs et des droits des consommateurs, soutien à l’industrie européenne émergente du logiciel libre à côté de monopoles pratiquant la vente liée, équilibre entre la protection juridique des mesures techniques de protection, objet du projet de loi, le respect du travail des chercheurs, l’innovation et la sécurité informatique."

Bernard Carayon - Richard Cazenave