Comme je l'ai déclaré publiquement, je confirme que je rejetterai ce texte qui ne remplit pas les critères minima que nous avions demandés et qui étaient la condition sine qua non de la réunion de la CMP.

Sur l'interopérabilité, je rappelle que l'article 7 avait été voté à l'Assemblée à l'unanimité des députés ; le Sénat a profondément altéré cette rédaction, alors même que le texte de l'Assemblée faisait des émules (le Danemark en premier lieu, mais aussi le Royaume-Uni, la Suède et la Norvège, pays qui ont pris toute la mesure de la portée de cet enjeu pour les consommateurs et l'industrie du logiciel). In fine, le texte de la CMP réaffirme certes le principe du droit à l'interopérabilité, mais subordonne sa mise en oeuvre à des conditions telles qu'elles rendent ce droit inopérant. Mes collègues et moi-même avons déjà évoqué la question des conditions financières et techniques, ainsi que le problème posé par la possibilité d'interdire la distribution d'un code source, dans notre lettre ouverte à Bernard Accoyer.

D'autre part, le texte de la CMP réintroduit à l'article 12 bis le sous-amendement que j'avais fait voter, qui revient de fait à annihiler toute possibilité de sanction pénale, mais renforce l'article 14 ter A du Sénat, qui impose aux fournisseurs d'accès à Internet de fournir des moyens de "sécurisation" des lignes (pour qu'elles ne soient pas utilisées à des fins de téléchargement sans autorisation), et aux abonnés de les mettre en oeuvre. Cette disposition est totalement dérogatoire au droit usuel en matière de responsabilité civile, et donc à mes yeux inacceptable.

Au total, ce texte rompt l'équilibre que l'Assemblée avait su trouver entre droit d'auteur et droits du consommateur, entre industriels des mesures techniques de protection et industrie du logiciel libre, malgré le soutien constant du Président Accoyer que nous devons remercier. Cette procédure de CMP aura abouti au total, au prétexte de la protection du droit d'auteur qui était déjà satisfaite dans la rédaction de l'Assemblée, à surprotéger les géants du logiciel, bien connus pour abuser en permanence de leur position dominante, au détriment des droits des consommateurs et de l'industrie du logiciel libre.

Il n'en reste pas moins que la prise de conscience va grandir dans les mois qui viennent autour des enjeux liés à ces sujets. Les échos que déjà l'on entend dans d'autres pays de l'espace européen laissent présager que d'autres occasions se présenteront de faire avancer ces idées d'avenir. C'est l'occasion pour moi de dire que le combat n'est pas fini, mais aussi de remercier tous ceux qui, ayant compris ces enjeux, le manifestent et nous encouragent à poursuivre.