Génocide arménien : répression du négationnisme
Nous avons tenu ce matin la promesse d'aller jusqu'au bout de la logique de reconnaissance du génocide arménien.
Il était indispensable de se doter des armes juridiques permettant de sanctionner le négationnisme que nous avons hélas vu à l'oeuvre à St Martin d'Hères ou à Lyon, instrumentalisé de surcroît par les services mêmes d'une puissance étrangère !
C'est ce que ce texte permettra, après son approbation par le Sénat.
Le chemin n'est pas encore terminé, mais la volonté de la représentation nationale, clairement exprimée aujourd'hui sur tous les bancs, est en marche et ne connaîtra pas de recul.
Un combat pour moi commencé dans les ruines de Spitak et Leninakan...
- Lire la lettre que j'ai adressée à Daniel Marandjian en mai dernier
- Sur le site de l'Assemblée nationale :
Commentaires
Je suis ravi que tous les sujets soient abordés sur ce blog, sans embarras, j'attendais effectivement un billet de votre part, Monsieur le Député, et une fois de plus vous ne vous défilez pas.
Je n'ai rien à dire sur le principe.
Cependant je m'interroge sur deux points :
- est-il opportun (=de notre responsabilité) de légiférer sur un problème turco-arménien ? Que l'on prenne des dispositions sur l'Algérie etc. où nous sommes partie prenante, soit, mais avons-nous à le faire sur des matières étrangères ? Pourquoi ne pas légiférer contre ceux qui continuent à prétendre que l'Irak détenait des armes de destruction massives justifiant son invasion, contre ceux qui avalisent l'invasion du Tibet par la Chine etc. ?
- si le pays incriminé avait été la Chine ou les Etats-Unis, par exemple (soit des pays avec de forts intérêts économiques, mais je ne connais pas ceux de la France en Turquie ?), la France aurait elle légiféré ?
@ antistress
Tu as raison de soulever ces questions, et j'ai quelques éléments de réponse à t'apporter.
1/ sur les intérêts de la France en Turquie : je pense qu'ils doivent être assez importants, puisque nos dirigeants se sont toujours efforcés d'entretenir avec ce pays de bonnes relations ; il n'y a qu'à voir l'empêtrement dans lequel nous sommes, maintenant que la Turquie prétend à l'adhésion à l'Union Européenne.
2/ sur l'opportunité de légiférer :
- il faut tout d'abord bien prendre en compte qu'un génocide n'est pas (si je puis dire) un "simple massacre" ; cela implique une volonté d'anéantissement d'un peuple, avec une méthode d'extermination systématique. Voici la définition prise en compte par la Cour Pénale Internationale :
"Un génocide est l'extermination, physique, intentionnelle, systématique et programmée d'un groupe ethnique, national, religieux ou « racial »."
fr.wikipedia.org/wiki/G%C...
- cette définition ne s'applique pas au problème de l'invasion chinoise au Tibet, qui à ma connaissance est un affreux massacre (les Tibétains ont eu la "mauvaise idée" de ne pas vouloir se laisser faire) qui visait non pas à anéantir le peuple, mais comme partout en Chine à anéantir sa culture et asseoir la toute-puissance du Parti Communiste. C'est pourquoi les moines, gardiens de la culture, de la spiritualité et du pouvoir politique tibétains, ont dû fuir leur patrie.
- j'imagine qu'il aurait été difficile de légiférer de cette manière contre les intérêts d'un pays aussi puissant que la Chine ou les États-Unis. Toutefois je ne suis pas sure que ces pays auraient eu autant de mal que la Turquie à reconnaître des faits vieux de près d'un siècle. N'avons-nous pas, en France, reconnu notre part de responsabilité dans la Shoah "seulement" une cinquantaine d'années après ? Il est évidemment difficile de faire reconnaître ses crimes à un régime encore en place, mais il en est en principe autrement avec ses successeurs.
- enfin, à mon sens cette loi s'inscrit dans une démarche générale de répression de l'incitation à la haine raciale.
Pour ceux qui veulent s'intéresser un peu plus à l'Arménie et à l'histoire du génocide, sachez que c'est l'année de l'Arménie en France. La communauté arménienne de Grenoble organise divers événements www.cg38.fr/10661-d-armen...
Il existe aussi à Valence un Centre du patrimoine arménien. patrimoinearmenien.free.f...
Je me suis posé la même question qu'anti-stress, mais après reflexion, en réalité, ce qui fait la différence sur cette question arménienne, c'est que c'est la France que les rescapés du génocide ont choisi majoritairement (cf le film de Verneuil: "Mayrig") pour seconde patrie.
Et c'est donc bien ici, sur notre sol, lorsque le 24 avril, les descendants des survivants (un million 500 000 morts!) veulent se recueillir, que des manifestants téléguidés par la Turquie viennent brandir des pancartes qui sont une véritable insulte à la mémoire de ce peuple martyr.
La France est donc doublement concernée:
- par les nombreux français d'origine arménienne composante à part entière de notre communauté nationale
-par les troubles à l'ordre public qui viennent régulièrement émailler les commémorations .
A cette exception près,et je suis d'accord avec anti-stress, il faudrait éviter de revisiter par la loi le passé des peuples.
@ axc :
oui c'est bien le caractère méthodique et systématique qui est mis en avant lorsqu'il faut qualifier des faits de génocide.
Le génocide est une puissante démonstration de haine, je pense. Le massacre est le but recherché.
Les invasions chinoises relèvent plus de la politique, d'une volonté hégémonique, de la volonté d'étendre un territoire et d'y imposer un modèle unique. Le massacre est un moyen.
Les deux sont pareillement organisés, mais :
- dans un cas, il s'agit de l'extermination, physique, intentionnelle, systématique et programmée d'un groupe ethnique, national, religieux ou "racial"
- dans l'autre, de l'extermination, physique, intentionnelle, systématique et programmée de l'identité d'un groupe ethnique, national, religieux ou "racial"
il ne s'agit pas de hiérarchiser, mais les deux devraient être également condamnés, non ?
@ grégoire :
tu me prêtes des propos que je n'ai pas tenus (il faudrait éviter de revisiter par la loi le passé des peuples)!
Et juste pour être complet, à partir du moment où la France a reconnu officiellement le génocide arménien, en 2001, il était normal que notre pays se dote d'un arsenal juridique permettant de poursuivre et punir les personnes niant l'existence de ce génocide. La boucle est donc bouclée !
@ antistress
Les faits dont tu parles sont généralement "condamnés" par la Communauté Internationale, sur le plan diplomatique... mais pas par la Cour Pénale Internationale.
Dans le cas de la Chine et du Tibet, cependant, nous avons quelque peu raté le coche : l'invasion a eu lieu peu après la deuxième guerre mondiale en 1949 au début de la Guerre Froide et de la décolonisation. La mobilisation de la Communauté Internationale a donc de fait été très limitée.
Aujourd'hui le Tibet est toujours annexé par la Chine. La plupart des pays démocratiques s'accordent à condamner cette situation, tout comme le non-respect des Droits de l'Homme en Chine d'une manière générale.
Mais je crains que la puissance chinoise - dont les dirigeants d'aujourd'hui ne sont que les héritiers de l'époque Mao - ne nous empêche d'aller plus loin, pour des raisons économiques, politiques et militaires.
Nous touchons là les limites de la diplomatie.
Pour en revenir au fond de ta question, l'idée d'assimiler l'extermination politique (et pas seulement ethnique) à la notion de génocide a déjà fait école chez les historiens à propos des massacres au Cambodge.
Faut-il aller plus loin et comdamner de la même manière les dictatures pour leurs "crimes" sur l'identité d'un peuple ? George Orwell aurait adoré cette question...
George qui ? ;-)