Il y a bien longtemps que l'on avait pas vu autant de monde dans les rues de notre ville, pour une manifestation qui regroupait des motivations si nombreuses et si différentes les unes des autres qu'il est bien difficile de les additionner... et encore plus délicat de les récupérer comme ont tenté de le faire le PS de Madame Aubry et la CGT, sous une bannière simpliste de rejet de la politique du gouvernement et des réformes du quinquennat.

D'ailleurs le gouvernement, ainsi que les forces politiques et syndicales réputées lui être plus favorables, ont exprimé leur compréhension.

Compréhension devant la colère légitime des forces vives de ce pays subissant les contre-coups d'une crise née ailleurs de l'absence de règles, dans un monde où la finance est reine et où le système de rémunération des traders (avec des bonus quoi qu'il arrive) pousse à des prises de risque toujours plus inconsidérées.

La réponse doit être précisément de fixer pour l'avenir de nouvelles règles du jeu. Le vrai débat est entre un capitalisme moderne, entrepreneurial, respectueux des Hommes et de l'environnement, et un système de poker financier international dont les joueurs ne payent pas eux-mêmes les enchères. L'Europe sous l'impulsion de la France a dit clairement ce qu'elle attend du prochain sommet du G8 ; nous verrons alors si le Président Obama donne un prolongement concret à l'indignation qu'il a exprimée avec force tout récemment.

Compréhension également devant l'angoisse sur le pouvoir d'achat et le chômage (déjà 200 000 chômeurs de plus en France) qui évidemment ne touche pas que notre pays mais également l'Espagne socialiste ou l'Allemagne et sa cohabitation gauche/droite.

La réponse ne peut être que la relance concertée en Europe des investissements publics, seuls susceptibles de soutenir à court terme une croissance bénéficiant à l'emploi en France et en Europe.

Sur ces deux fronts, nouvelles règles du jeu mondial et plans de relance des différents pays européens, je ne vois guère la force et l'originalité d'une alternative politique. Je trouve même dérisoire ce hochet de la sempiternelle relance par la consommation brandi par le PS et la CGT, car si l'on peut supporter de s'endetter un peu plus (alors qu'on est déjà exsangue) pour investir dans des infrastructures qui seront là pour longtemps et serviront à la croissance de demain, comment peut-on soutenir un seul instant l'idée de s'endetter davantage pour dépenser de l'argent qui va surtout faire travailler les exportations chinoises ?!

Quant aux réformes, le mandat délivré par les électeurs était tout sauf un mandat d'immobilisme !

Un vrai sujet serait de dire quelle stratégie industrielle nous voulons en Europe, pour faire émerger les emplois de demain ; quelles règles on veut instaurer à l'OMC pour que le commerce international se fasse sur des bases équitables, respectueuses d'un minimum de droits sociaux et d'un minimum de principes environnementaux, avec par exemple une taxe carbone sur les produits qui font deux fois le tour de la terre avant d'arriver dans notre assiette.

Voilà des sujets sur lesquels on aimerait concrètement entendre des propositions sérieuses ! mais nous ressortir les vieilles recettes de la distribution de monnaie de singe est totalement affligeant et peu respectueux de l'intelligence d'une démocratie qui se veut majeure.

Et n'y a-t-il pas suffisamment de sujets d'affrontement ou tout simplement de débats politiques autour des questions de société, de la manière d'exercer le pouvoir, des enjeux et des arbitrages à opérer entre libertés publiques et liberté individuelle, de l'avenir de la protection sociale, pour nous épargner des affrontements factices sur la manière de faire face à cette crise ?