Partie d'une idée plutôt vertueuse - pénaliser la consommation excessive d'énergies fossiles, la taxe carbone est devenue le vrai casse-tête de la rentrée pour le gouvernement et le Président de la République.

Pierre Méhaignerie et le Ministre de l'Agriculture s'y opposent ; Jean-François Copé et le Président de l'Assemblée Nationale Bernard Accoyer veulent compenser cette mesure par un allégement des charges sociales ; Michel Rocard, après avoir exclu toute compensation et fixé la barre très haut (32€ la tonne de CO2) , parle aujourd'hui de compenser la perte de pouvoir d'achat ; Chantal Jouanno Ministre de l'Écologie propose de distinguer les urbains et les ruraux et de prendre en compte les critères sociaux...

Si l'on en est arrivé là, au point que Nicolas Sarkozy se donne un délai supplémentaire avant toute décision, c'est sans doute en raison d'un formidable quiproquo sur l'objectif initialement recherché, celui même qui a propulsé l'idée d'une taxe carbone sur le devant de la scène.

Car la France est loin d'être en retard sur ses voisins pour ce qui est des mesures visant à limiter l'effet de serre. Avec le Grenelle de l'Environnement, avec les investissements et incitations réglementaires, fiscales, tarifaires incitant à utiliser des énergies renouvelables et à réduire les émissions de gaz des transports, elle est dans le peloton de tête des pays pour la diminution des émissions de CO2.

Un seul chiffre : la France est responsable de 5 pour 1000 des émissions de CO2 quand les États-Unis et la Chine en représentent 50%.

Le concept de la taxe carbone est donc né au cœur de la crise, des réflexions de pays désireux d'apporter une réponse par une meilleur régulation du capitalisme mondial.

L'idée à l'origine est donc bien de faire d'une pierre deux coups :

  1. de pénaliser financièrement les importations en France (et donc en Europe) de produits impactant négativement l'environnement, soit par les conditions mêmes de leur production, soit par leurs consommations d'énergies dans les transports ;
  2. d'alimenter un fond international permettant de financer dans les pays en voie de développement des énergies renouvelables et des moyens « propres » de production.

Dans ces conditions une taxe carbone franco-française, même (et peut-être surtout) suggérée par un ancien Premier ministre socialiste, aura pour le mieux un effet cosmétique ou une valeur symbolique destinés à montrer que la France, faisant tout pour lutter contre l'effet de serre, peut légitiment revendiquer que l'Union européenne et le G20 adoptent la vraie mesure, celle qui pourrait changer la donne : celle d'une taxe carbone internationale pour un capitalisme mondial régulé et écologiquement responsable.

À défaut de quoi, cette mesure sera perçue par les premiers comme un nouvel impôt injuste, par les seconds comme une mesure contraire au plan de relance, par les troisièmes comme une mesurette écologiquement inefficace.

À mon sens la seule sortie possible pour Nicolas Sarkozy est, tout en gardant la force symbolique de la chose, de la rendre la plus indolore possible ...

Notes

Photo : Pollution in Springfield par chicagoenergy sous licence CC-By-NC-ND (Creative Commons Paternité-Pas d'Utilisation Commerciale-Pas de Modification ).