Dialogue autour de la tolérance et de la paix avec le CRIF Isère
J'ai rencontré ce matin le bureau du CRIF Isère (Jean-Luc Medina - Président, Denis Krief - Vice-Président, Maurice Gnansia - commission mémoire, Jacques Thiar, Serge Amar, Patrice Ganansia, Monique Hanoun, Adda Sadoun - Présidente du Bnai-Brith, et Pascale Benyamine) pour un échange très dense et très enrichissant autour de deux thèmes majeurs : l'antisémitisme en France un an après le meurtre d'Ilan Halimi, et la situation au Proche Orient et en Iran.
Si l'année 2005 avait vu une chute spectaculaire des actes antisémites (-47%), l'année 2006 a vu repartir à la hausse (+24%) les agressions, dégradations et actes de vandalisme à caractère antisémite. C'est un peu comme si les mesures législatives (loi du 3 février 2003 aggravation des peines pour les actes commis en relation avec l'appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion ; loi du 9 mars 2004 qui porte comme circonstance aggravante le caractère raciste ou antisémite d'un acte délictueux), après un impact certain en 2005, étaient déjà oubliées...
Je crois pour ma part que le mal est plus profond, et que cette banalisation du rejet de l'autre traduit une perte de repères plus générale dans notre société, et qu'elle appelle, outre la mobilisation des pouvoirs publics pour mettre en oeuvre les dispositions législatives existantes, une prise de conscience et une réaction de chaque citoyen, et une action résolue à l'école et dans les media, pour redonner toute leur force et leur portée aux valeurs républicaines qui cimentent le « vouloir vivre ensemble » et doivent conduire au dépassement des appartenances communautaires ou des réflexes identitaires.
Beaucoup peut être fait localement[1], par exemple en condamnant avec la plus grande fermeté les slogans entendus ici, à Grenoble, de "mort aux Juifs" lors de manifestations pro-palestiniennes, en portant plainte contre leurs auteurs et en exigeant lorsque des élus sont présents qu'ils se désolidarisent expressément de tels propos. Ou bien en conservant plus de 48 heures les enregistrements des vidéos de surveillance du tramway, la loi autorisant à les conserver un mois ; cela aurait permis d'identifier l'auteur d'une agression verbale contre le Rabbin de Grenoble.
Je suis pour ma part révolté à la lecture des incidents de l'année 2006 dont la communauté juive de Grenoble a été l'objet, dont la liste m'a été remise par le Président du Crif Jean-Luc Medina. Pour moi, ce n'est pas seulement un combat pour le bien-être d'une communauté et pour sa sécurité, c'est un combat qui concerne toutes les communautés qui subissent le racisme ordinaire ; plus largement c'est l'idée même que je me fais de la France et de ses valeurs qui est atteinte par ce qui est d'abord à la base un incivisme, un défaut de formation et d'éducation, une faiblesse de nos institutions dans la transmission des valeurs pour lesquels nos parents et grands-parents ont souvent versé leur sang. Ce gâchis est inacceptable, et cette élection doit être aussi l'occasion d'un ressaisissement autour des valeurs républicaines.
J'ai par ailleurs confirmé que, s'agissant de la nouvelle donne issue des accords dits "de La Mecque" du 8 février 2007 - à savoir la constitution d'un gouvernement palestinien d'union nationale, la diplomatie française, tout comme Londres et Washington, se tenait plus que jamais aux trois exigences du Quartet[2] : la reconnaissance de l'État d'Israël, la cessation du terrorisme et la prise en compte de tous les accords OLP/Israël. En attendant, les relations se limitent aux ministres non issus du Hamas, et des gestes concrets sont attendus en direction du Quartet avant toute reprise de l'aide directe au gouvernement palestinien.
J'ai également confirmé ma signature, aux côtés de Claude Goasguen, d'un document demandant l'inscription du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes auprès de l'Union Européenne. Nous ne sommes qu'une quarantaine de députés à l'avoir fait ; c'est pourtant la conséquence d'un constat dont l'évidence saute aux yeux de chacun, et la conclusion logique de la résolution 1559 des Nations Unies présentée conjointement par la France et les États-Unis.
S'agissant de l'Iran, nous devons veiller à ne pas assimiler le peuple iranien aux excès d'un Président radical et minoritaire. Pour autant, il faut clairement et beaucoup plus fermement refuser l'inacceptable, à savoir l'orchestration de forums négationistes à Téhéran par ce Président, et la tenue de propos ostensiblement belliqueux à l'égard d'Israël qu'il souhaiterait voir rayé de la carte !
La stratégie internationale devrait être à mon sens de prendre des sanctions économiques fortes afin d'isoler ce régime et d'amener la grande majorité des iraniens à rejeter ce pouvoir. Cette attitude pourrait valoir aussi pour amener l'Iran à respecter le traité de non-prolifération nucléaire.
Cette rencontre n'était pas la première avec les responsables du Crif réunis autour de ce petit-déjeuner. C'est l'occasion pour chacun de vérifier la constance des positions prises au fil des années et des événements, et qui de part et d'autre sont invariables quels que soient les auditoires. Ce langage de vérité, qui suppose tout autant la réflexion que l'expression des convictions, est peut-être aussi une des conditions à remplir dans le champ international comme dans l'espace de la Cité, pour mieux se réunir autour des valeurs communes : au premier rang de ces valeurs, le respect de l'Autre qui nous a été légué en héritage, et qui est une composante essentielle des valeurs républicaines et la condition première de la paix.
Notes
[1] De ce point de vue, il faut saluer la qualité des relations qui existent entre les responsables des différentes communautés à Grenoble, et la volonté constante de conduire des actions communes qui produisent des effets extrêmement positifs.
[2] Initiative pour la paix au Proche-Orient, regroupant l'ONU, l'Union européenne, les États-Unis et la Russie
Commentaires
Courage, humanisme, clairvoyance, tolérance et fermeté, voilà l' image de vous que vous nous renvoyez, monsieur le Député.
N' importe quel être civilisé ne peut que partager vos convictions.
J' ai du mal à retrouver la même authenticité auprès des candidats àl' élection présidentielle, ni la même dimension chez ceux qui se présentent contre vous dans la circonscription.
Merci pour l'exemple que vous donnez, vous réconciliez les électeurs avec la vie publique, qui peut,- vous en faites la démonstration,- ne pas être faite que de magouilles pitoyables, et de satisfactions d'intérêt personnel.
Monsieur,
Quand vous parlez du ressaisissement des valeurs républicaines, cela me plait beaucoup. Et en particulier, l'intégrité m'est très chère. Or je constate que votreparti détient le record du nombre de députés et d'élus ayant eu à faire ou ayant à faire avec la justice.
Savez-vous que dans certains pays (du nord de l'Europe, principalement), il existe une loi qui retire AUTOMATIQUEMENT le droit de vote et d'éligibilité à toute personne ayant été condamnée pour des faits ayant un rapport avec ses fonctions d'élu.
Je souhaiterais savoir si vous accepteriez de vous appliquer préventivement cette règle à vous-même en attendant que votre parti fasse passer cette loi à l'Assemblée Nationale avec effet rétroactif ?
Merci.
@ Limousin
Je suis d'accord avec vous, notre législation devrait s'aligner sur celles que vous citez.
Toutefois, dans mon cas (et comme je vous l'ai écrit dans ce billet), ce sont les juges eux-mêmes qui ont estimé que je n'avais pas porté atteinte à l'honneur de ma fonction. C'est d'ailleurs pourquoi ils n'ont pas prononcé d'inéligibilité.
Il semble donc qu'il y ait erreur sur la personne, ou amalgame.
Merci, au nom de nos valeurs républicaines communes, de bien vouloir en prendre bonne note.
Cordialement.