DADVSI : La France, premier pays dEurope
Cette semaine, j’interviens à nouveau dans le débat sur le projet de loi "Droit d’Auteur" qui se poursuit depuis mardi à l’Assemblée nationale. Si les amendements négociés avec le ministère de la Culture et que je propose aujourd’hui sont votés (notamment les n°315, 316, 317, 319, disponibles ici), la France deviendra le premier pays d’Europe à garantir par la loi l’interopérabilité, c’est-à-dire la liberté pour tout utilisateur d’utiliser le logiciel de son choix pour la lecture d’une œuvre protégée – musique ou film. C'est aussi l'assurance d'une sécurité juridique totale pour la communauté des développeurs et des utilisateurs de logiciels libres.
Les amendements que je propose visent également à permettre aux chercheurs de mener et de partager sans limite avec la communauté scientifique leurs travaux sur les mesures techniques de protection des oeuvres. Ils introduisent également dans la loi la possibilité pour les professionnels de la sécurité informatique de tester les mesures techniques de protection, et éventuellement de communiquer sur leurs éventuelles incidences sur la sécurité pour les utilisateurs et leurs systèmes d’information.
Par ailleurs, la sécurité des systèmes d’information et des données personnelles est désormais garantie, grâce à l’amendement n°273 présenté par mon collègue Bernard Carayon, qui a été adopté mardi. Il prévoit notamment que la CNIL et la Direction Centrale de la Sécurité des Systèmes d’Information donnent une autorisation préalable à la mise sur le marché d’une mesure permettant le contrôle à distance de certaines fonctionnalités d'un système ou l’accès à des données privées.
Outre le fait qu’elles garantissent la sécurité juridique du logiciel libre, ces nombreuses avancées en faveur de la liberté de la concurrence et de la sécurité informatique sont essentielles au développement d’une offre légale diversifiée et saine, pour les consommateurs comme pour les auteurs et les industries culturelles.
Commentaires
Bonjour Mr le député Richard Cazenave
En tant que ingénieure en informatique libre, je suis vraiment très inquiète pour l'avenir du Logiciel Libre.
L'interopabilité n'est toujours pas assurée !
Si il n'y a pas une base d'utilisateur de logiciel libre il n'y a pas de Logiciel Libre.
On ne peut pas limiter le Logiciel Libre à l'entreprise et ne pas se soucier de la société civile.
La réussite de Microsoft tient justement à avoir réussi à prendre le marché des particuliers.
C'est très bien d'avoir pointé les danger des DRM, mais ça n'est pas suffisant.
Vous ne pouvez pas ménager la chèvre et le chou !
Les intérêts de VU et BSA ne sont pas compatibles avec ceux du Logiciel Libre.
Très respectueusement
Lucile Fievet
L'interopérabilité « dans des conditions, y compris de prix, équitables et non discriminatoires » et soumise à une décision du "conseil de la concurrence" (comme prévus par votre amendement 253) n'est pas de l'interopérabilité. On appelle ceci une licence RAND (Reasonable And Non-Discriminatory). Il est reconnu que ce type de licence n'est en fait profitable qu'aux grandes entreprises et catastrophiques pour les PME. Vos amendements sur l'interopérabilité sont donc en la matière bien insuffisants.
Votre vote en faveur de l'amendement 150, dit « amendement Vivendi-Universal/Business Software Alliance/France Télécom Contenus/Sacem/CSPLA » vous disqualifie pour parler de logiciels libres. Votre sous-amendement 364 ne constitue qu'une pirouette politique : il annule en théorie les effets dévastateurs du 150, mais en pratique il crée une insécurité juridique permettant aux firmes bénéficiant d'un bataillon d'avocats d'user de dissuasion envers les PME et les développeurs indépendants. Si vous vouliez vraiment soutenir le logiciel libre, il fallait avoir le courage de voter contre cet amendement 150 au lieu de confirmer le rôle de chambre d'enregistrement qu'a joué l'Assemblée nationale et dont les députés de la majorité, à l'exception notoire de Mme Boutin et M. Suguenot, nous ont permis d'être les témoins.
Les points de suspension dans le titre de cet article méritent donc d'être complétés : « La France premier pays d'Europe... à sacrifier sa propre industrie informatique et à interdir la liberté d'expression des auteurs de logiciels ». Sans réaction forte de votre part, je crains fort que nous serons nombreux à ne pas souhaitez vous revoir en 2007.
Chère Madame,
Les dispositions qui ont déjà été votées seront très bientôt renforcées, notamment par le rappel de l'exception de décompilation, ainsi que la possibilité de saisine du Conseil de la Concurrence par toute personne désireuse de mettre en oeuvre l'interopérabilité dans le cas où un fournisseur de mesures techniques refuserait de lui communiquer les spécifications de son format.
Tout cela vise à permettre l'établissement de standards ouverts, afin que toutes les oeuvres protégées par DRM puissent être lues sur tous lecteurs et toutes plateformes, y compris et surtout sous Linux. C'est je crois une condition sine qua non au développement de l'offre légale (sinon les consommateurs ne l'adopteront pas), mais aussi à la protection du logiciel libre, et donc à la sauvegarde des intérêts stratégiques de la France et son indépendance en matière de logiciels.
Quant à VU, sachez que je n'ai pas voté cet amendement dont j'ai souhaité, à défaut qu'il soit retiré, neutraliser la portée sur la technologie peer-to-peer et le logiciel libre (par mon sous-amendement n°364). D'ailleurs, la BSA n'est pas non plus favorable à cet amendement - preuve supplémentaire qu'il est nuisible à l'industrie du logiciel dans son ensemble !
Soyez assurée de ma mobilisation pour la défense du logiciel libre ; vous pourrez constater, in fine, que nous aurons apporté toutes les garanties à l'interopérabilité et à la sécurité juridique du logiciel libre.
Cordialement,
Richard Cazenave
Mr le député
Votre réponse ne me satisfait absolument pas :
"notamment par le rappel de l'exception de décompilation, ainsi que la possibilité de saisine du Conseil de la Concurrence par toute personne désireuse de mettre en oeuvre l'interopérabilité dans le cas où un fournisseur de mesures techniques refuserait de lui communiquer les spécifications de son format."
Nous avons déjà la possibilité en théorie de nous faire rembourser les licences microsoft que nous impose la vente liée, en pratique nous les payont toujours.
Dans les faits, saisir le Conseil de la concurenre et irréaliste, nous allons pour chaque usage de support, de logiciel, de trafic internet ..devoir les saisir ..c'est à dire en permanence ... ce dont nous avons ni le temps ni la patience ...
Il nous faut un droit à la légitime défence directe et immédiate, sinon cela n'est que du vent. Nous sommes informaticiens, nous connaissons fort bien la différence entre La théorie d'un côté et La pratique de l'autre.
Nous avons déjà gouté au monopôle microsoft et à ses abus, et à notre vulnérabilité jurédique face à ce géant.
Vous nous mettez en insécurité jurédique.. chose que nous connaissons fort bien. Nous sommes tout à fait conscient que vous êtes entrain de nous enterrer vivant ...
Personnelement, là j'ésite entre emmigrer dans un pays démocratique ou rentrer en désobeissance civile ....
La suspission généraliser des simples citoyens est abominable, c'est digne du pire totalitarisme, sauf que celui-là sera privé.... ca n'est pas tout à fait l'idée que je me fait du libéralisme et du libre échange.
Il y'a une différence entre la loi du marché, juste et équitable, et la loi des Monopôles les plus puissants avec les états à leurs soldes.
Très respectueusement
Lucile Fievet
Chère Madame,
Il ne me semble pas que l'exception de décompilation soit porteuse d'insécurité juridique ! Si le conseil de la concurrence peut se révéler faible face à des géants du logiciel comme Microsoft, le législateur français apporte ici la garantie que le logiciel libre pourra continuer à procéder aux travaux de décompilation qui sont nécessaires au développement d'un logiciel interopérant.
Cette exception de décompilation est, me semble-t-il, le fondement de la liberté de développement du logiciel libre ; en la rappelant, en la garantissant, nous réaffirmons qu'aucune atteinte ne peut lui être portée dans la loi française. N'est-ce pas là la légitime défense que vous réclamez ?
Le législateur français n'a pas le pouvoir d'empêcher Microsoft d'être leader du marché, mais il peut - et c'est ce qu'il aura fait à la fin de ce texte - encadrer le marché afin que la libre concurrence soit possible, que les abus de position dominante soient sanctionnés, et que chaque acteur ait sa place.
En l'occurrence je le redis, le libre a toute sa place, sa sécurité juridique est garantie. Si vous estimez que tel n'est pas le cas, dites-moi alors quelles dispositions le mettent en danger et ce qu'il conviendrait de faire pour y remédier.
Cordialement,
Richard Cazenave
Monsieur le député,
Cconcernant les dispositions qu'il faudrait prendre elles sont au nombre de quatre :
1) supprimer toute expression visant à limiter l'exercice de la recherche de l'interopérabilité (comme par exemple celle qui se trouve dans l'amendement que vous avez porté : "dans les limites du présent code"). Je m'étonne d'ailleurs que vous ayez décidé de limiter l'interprétation du juge au seul code de la propriété intellectuelle, y compris pour les activités de sécurité informatique. Que faites vous donc du code pénal ?
2) faire en sorte que a)les fournisseurs de mesures techniques ne puissent faire payer que les coûts de mise à disposition de ces informations pour éviter que ces fournisseurs puissent imposer des conditions de prix excluant de facto le libre ou les petits acteurs ; b) ils ne puissent imposer des NDA (non disclosure agreement) ce que permet l'actuel rédaction de l'article 7 que vous avez laissé passer sans broncher (vous avez même appeler à le voter à l'unanimité !!!)
3) inscrire noir sur blanc que la distribution d'un code source interopérant avec une mesure technique ou la neutralisant à des fins d'usage licite (et pas seulement d'interop) ne peut être assimilé à une facilitation de contournement (en sachant que le ministre a dit le contraire dans l'hémicyle et vous savez comme moi que parole de ministre ... je m'étonne d'ailleurs que vous n'ayez pas réagi à un tel propos ...)
4) ne pas désigner le conseil de la concurrence comme juridiction saissisable en cas de rétention d'information mais bien le juge des référés. De cette façon, les associations et les développeiurs bénévoles de la communauté du logiciel libre (qui sont majoritaires) pourront eux aussi accéder aux informations essentielles à l'interop ... à moins que vous pensiez que seuls les entreprises développent des logiciels libres ce qui démontrerait votre méconnaissance totale de l'éco-systême du logiciel libre.
Cordialement,
Marco
Monsieur le député,
Merci pour votre action de cette nuit qui répond à nombre des problématiques soulevées dans mon précédent post. Ce fut un beau moment de démocratie parlementaire.
Respectueusement,
Marco
Merci Marco d'avoir été attentif et d'avoir vu que grâce à la deuxième lecture que j'ai proposée sur l'article 7, nous avons mis incontestablement la force du côté de l'interopérabilité.
J'ai accepté dans ce cadre un amendement qui rend compétent le TGI sur les litiges éventuels et pour ordonner, le cas échéant sous astreinte, la livraison "gratuite" des informations nécessaires à l'interopérabilité.
Je crois pouvoir dire sur ce sujet que notre législation est la plus claire et la plus ferme en Europe pour défendre le droit à la lecture qui est un droit sacré et pour que les mesures techniques de protection ne pénalisent en aucun cas le logiciel libre (standards ouverts).
Amicalement,
Richard Cazenave
Monsieur le député, Bravo!
Il est rassurant de voir des gens aller jusqu'au bout de ce qu'ils entreprennent, et tenir leurs engagements.
Je pense sincèrement que vous avez réalisé quelque chose d'utile, de durable, et qui s'inscrit dans la droite ligne de l'interêt général.
Je vous remercie d'avoir su garder ce cap sans céder aux incroyables pressions qui pesaient sur les élus.
(je trouve que le texte de loi hormis l'article 7 est absolument infect, mais c'est un autre problème....)
Bonsoir Richard,
je suis très déçu ce soir d'avoir vu cette loi profiter du détournement d'attention créé par les manifestation anti-cpe pour être votée par l'Assemblée Nationale.
Si effectivement l'article 7 est à mettre à ton crédit, le reste de cette loi est inapplicable en l'état. Elle fait la part belle aux Majors et aux gros poissons que sont toutes les vedettes du show-biz. Le téléchargement de musique ou de films est identique au prêt d'un livre ou d'une encyclopédie à un tiers, puis à un autre tiers, et aisni de suite. Pourtant personne ne m'empêche de prêter cette encyclopédie à 2000 personens si je le veux. Ce sont pourtant 2000 encyclopédies de non vendues. Les écrivains ne seraint ils pas eux aussi des artistes.
Question : comment le gouvernement compte-t-il s'y prendre pour verbaliser les téléchargements? En mettant un flic devant chaque ordineteur relié à Internet? En demandant au FAI de donner nom, adresse de leurs clients qui téléchargent?
Au lieu d'avoir peur du téléchargement, il vaudrait mieux s'en servir pour la promotion des artistes, comme l'a dit très justement Louis Bertignac : moins de cd vendus = plus de concerts car plus de pub grâce au téléchargement.
Je dois quand même te féliciter car le seul (ou l'un des seuls) que l'on voit régulièrement à la télé dans l'hémicycle c'est toi. Ton air dubitatif à 4h du mat' lors du vote de cette loi était d'ailleurs assez amusante et parlante quand à ce que tu penses réellement de cette loi.
Amicalement.
Dominique Paulin
38120 Saint-Egrève
Monsieur le député,
Je suis membre du projet KDE, le projet leader du monde du logiciel libre pour la création d'un environnement bureautique libre. Nous proposons en particulier à nos utilisateurs des logiciels de gestion et de lecture de fichiers musicaux comparable à Itunes d'Apple.
La position des membres de la communauté du libre sur les Mesures de Protection Technique (ou DRM) est souvent contrastée. Cependant, nous avons toujours fait partie du camp des pragmatiques et il nous semble important d'offrir à nos utilisateurs la possibilité de lire les DVD qu'ils ont achetés et demain d'écouter des morceaux de musique achetés en ligne sur des plate-formes commerciales même si cela veut dire incorporer des bibliothèques de gestion de MPT.
L'article 7 tel qu'il a été réécrit par vos soins et ceux de certains de vos collègues de l'UMP et du PS est une grande avancée. Non seulement en ce qui concerne l'interopérabilité du cas spécifique des fichiers musicaux ou cinématographiques mais aussi par ce qu'il inscrit dans la loi, le mécanisme du développement du logiciel libre.
J'ai fait parti de ceux qui ont été abasourdis par la première rédaction du texte par le gouvernement et par les argumentaires de Christian Vanneste. Si le texte qui sort de l'Assemblée Nationale n'est pas parfait, les MPT (et les dérives auxquelles elles peuvent conduire) sont nettement mieux encadrées. J'espère que la rédaction de l'article 7 ne sera pas édulcorée par le Sénat car j'imagine que les lobbies des majors du disque vont s'agiter.
Je voulais, en tout cas, publiquement vous remercier pour votre travail sur cette loi.
cmiramon