Vote électronique : une fausse bonne idée.
La mairie de Grenoble s'apprête à délibérer, ce soir, sur l'acquisition de 96 machines à voter.
Les machines à voter ou ordinateurs de vote apparaissent séduisants pour des raisons diverses : facilité de traitement des votes, rapidité avec laquelle les résultats peuvent être connus, un moyen plus écologique et économique car utilisant moins de papier, et donc facilitant le recours à des consultations populaires.
Toutefois, les experts sont sceptiques car ces ordinateurs posent plusieurs problèmes sérieux.
Sécurité
Comment s'assurer que l'ordinateur de vote fonctionne correctement et qu'il accomplit convenablement le traitement des votes ? Il faudrait pour cela disposer du code source du programme. Or les constructeurs le gardent secret, prétextant le secret industriel et la sécurité du fonctionnement de la machine.
Mais on sait bien, avec le développement des logiciels libres et open-source, que la divulgation du code source n'entache pas la sécurité d'un programme si celui-ci a été correctement conçu. Et le secret industriel devrait dans tous les cas s'effacer devant la confiance totale que suppose le processus démocratique.
Les incidents de sécurité avec les ordinateurs de vote, notamment aux États-Unis, n'encouragent pas cette confiance. Les électeurs de Floride en gardent un souvenir plutôt amer.
Anonymat
Les ordinateurs de vote sont équipés de lecteurs de cartes à puces afin d'authentifier le votant et de prévenir les fraudes de bourrage des urnes (un inscrit ne peut voter qu'une seule fois).
Mais que devient alors l'anonymat du vote ? Comment s'assurer qu'on ne pourra refaire le lien entre un inscrit et son vote ?
Certains systèmes sont même équipés pour imprimer une sorte de reçu que l'ordinateur délivre à l'électeur au moment du vote, afin de lui assurer que le bon vote a bien été enregistré ; ce reçu permettrait également de recompter les votes en cas de litige. Mais le non-respect de l'anonymat par cette procédure a contraint l'État de Pennsylvanie (US), qui avait commandé cette fonctionnalité, à demander à son prestataire de la désactiver...
Écologie et économies
S'il est vrai que le vote électronique permet d'économiser le papier, il n'en a pas moins des retombées sévères sur l'environnement : les ordinateurs sont des équipements très complexes à recycler et très polluants.
De plus, l'impression des bulletins de vote n'occupe qu'un poste accessoire des dépenses d'organisation d'un scrutin. La supprimer ne faciliterait guère financièrement la multiplication des consultations.
Confiance dans le processus démocratique
Le dépouillement a un rôle fondamental dans nos institutions : il est la garantie, pour les citoyens, que le processus démocratique est fiable et qu'ils peuvent vérifier son intégrité en dépouillant les bulletins ou en assisant à cette opération.
Le vote électronique supprime toute notion de vérification par les citoyens. En effet, quel citoyen serait capable de vérifier avec certitude que l'ordinateur n'a pas été victime d'une attaque visant à faire un report de votes ? Le concepteur même ne peut garantir cela...
Alors que nos concitoyens boudent leurs institutions, il me paraît inconséquent de leur donner de nouvelles raisons de ne pas se rendre aux urnes.
Résultats immédiatement connus
Le seul avantage réel de ces ordinateurs demeure donc de connaître instantanément les résultats. Mais vu les problèmes soulevés précédemment, cela supposerait que le votant mettrait un bulletin dans l'urne, et informerait ensuite l'ordinateur de son vote... Procédure contraignante pour un avantage bien maigre, alors que les estimations sont aujourd'hui très fiables.
Plusieurs rapports ont déjà été publiés sur le sujet, afin d'alerter les démocraties sur les risques induits par le remplacement des urnes traditionnelles par des machines à voter.
J'en retiens qu'il n'existe aujourd'hui aucun processus électronique valable, car aucun n'est en mesure d'apporter aux citoyens au minimum les mêmes garanties que le vote papier. J'espère donc que les conseillers municipaux grenoblois sauront faire preuve de sagesse et refuseront que la ville procède à l'acquisition de ces machines.
PLUS D'INFORMATIONS
- Rapport de François Pellegrini, maître de conférences en informatique à l'Enseirb, mandaté par l'Association démocratique des Français de l'étranger (ADFE)
- Rapport de Bernard Lang, directeur de recherche en informatique (Inria), mandaté par l'Union des Français de l'étranger (UFE)
- Site web de Recul Démocratique - Citoyens et informaticiens pour un vote vérifié par l’électeur
- Une discussion est en cours sur le forum Citoyens Première
Commentaires
Ciel, les machines de vote électronique débarquent dans notre beau pays!
Est-ce le même fabriquant que les cabines des radars automatiques ?
Car, plaisanterie à part, pour introduire un dispositif cumulant autant d'inconvénients majeurs et si peu d'avantages (je cherche encore), il doit y avoir un sacré lobbying derrière tout cela.
Quelqu'un (je ne retrouve pas qui) s'amusait de voir que les hommes politiques pensaient lutter contre l'abstention en installant des machines de vote électronique sur les plages (à mauvais diagnostic, mauvais remède)
En tout cas, il s'agit d'un très grave danger pour la démocratie que vous avez parfaitement souligné
Plus d'infos : forum.framasoft.org/viewt...
Le conseil municipal a finalement reporté sa décision d'un mois.
La nécessité de publier le code source n'est qu'une première étape : il reste ensuite à vérifier quel programme tourne réellement dans l'ordinateur le jour de l'élection. Ce n'est absolument pas trivial, et de toute façon hors de portée d'un électeur non informaticien.
Les systèmes d'impression de reçu ne paraissent pas au point. Ils sont une solution approximative à un problème qui a été créé par ces machines tout-électroniques : on a fait disparaitre le papier, on prend conscience du manque de sécurité, et on se voit obligé de le réintroduire.
Alors qu'on pourrait éviter de créer le problème en utilisant des scanners de bulletins (solution très utilisée aux USA)... ou en se passant de toute informatique, car nous avons des dépouillements simples à réaliser. Ces ordinateurs sont avant tout adaptés aux USA avec leurs multiples scrutins (couramment 10 ou 20 choix à effectuer).
Pierre Muller, webmestre de ordinateurs-de-vote.org (anciennement recul-democratique.org)
Tout d'abord, merci à M. Cazenave de cette prise de position qui est salutaire, là où beaucoup privilégient le côté "a la mode" du vote électronique.
Une remarque concernant la disposition du code source: cela ne changerait hélas strictement rien, car (1) comment être sûr que le code compilé installé partout est bien issu des mêmes sources (et/ou comment vérifier qu'un code caché n'a pas été installé en parallèle ?) et (2) comment être sûr que l'électronique embarquée ne contient pas de backdoor cachée destinée à truquer le vote ?
Et puis, même avec les sources, il est parfois difficile de détecter des backdoor cachées.
Pour la petite histoire, la CIA avait expérimenté la corruption de code caché durant la guerre froide en se laissant dérober du code, qui devenait (volontairement) corrumpu au bout d'un certain temps. Ce logiciel fut à l'origine de l'explosion non nucléaire la plus importante jamais enregistrée sur terre, visible depuis l'espace, en plein coeur de la Sibérie (www.msnbc.msn.com/id/4394...
@ Xavier Roche
Le lien vers www.msnbc.msn.com/id/4394 donne ceci :
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Cela dit, je suis d'accord avec vous à l'exception de votre "là où beaucoup privilégient le côté "a la mode" du vote électronique."
Les "beaucoup" que vous visez plus ou moins clairement ne suivent pas "la mode" ! Ils visent le progrès en la matière, et là visiblement les instruments de vote électronique ont encore bien du chemin à parcourir pour être au moins aussi fiables que le vote manuel. Pour des votes aussi décisifs que les législatives il n'est pas possible de s'en contenter. En revanche les votes ou sondages ou questionnaires sur tel ou tel "blog" n'entraînant pas de décision, la liberté d'opiner... doit être pleine et entière, IMHO
@ Tiko (sans N)
Je crois sincèrement que vous êtes parano (ce qui est une des particularités des gens endoctrinés), car j'ai beau relire le commentaire de Xavier Roche, il ne vise personne en particulier. Il pourrait même s'adresser à M. Destot... ou à d'autres, à gauche comme à droite.
Arrêtez de vous sentir systématiquement attaqué, ça en devient risible.
De plus, son commentaire, parallèlement au billet d'origine, ne traitait nullement de sondage sur Blog mais bien de vote officiel. Je ne vois donc pas l'intérêt de remettre cette lamentable histoire sur le tapis. Vous ne vous rendez même pas compte que vous faites rire tout le monde avec votre histoire de sondage à la noix...
@ ericgrenoble
fais attention à ce que tu dis à TIKO (sans N), ne le bouscule pas : il est fragile... Après, il s'énerve, et c'est Bernard qui en fait les frais!